Bruno de Finetti naît de “parents italiens, citoyens autrichiens”, comme lui-même l’écrit dans une note autobiographique accompagnant le livre publié par ses anciens élèves et amis à l’occasion de son 75ème anniversaire. En effet, sa grand-mère paternelle était la nièce du Général Radaelli, commandant de la défense de la ville de Venise contre l’Autriche en 1848-49. Son père travaillait à Innsbruck en 1906 en tant que constructeur de chemins de fer: c’était un ingénieur, tout comme son grand-père. Cela ne nous étonne donc pas qu’en 1923 Bruno de Finetti se soit inscrit à l’Ecole Polytechnique de Milan, où il découvre d’emblée sa véritable passion pour les mathématiques, et, comme il écrit à sa mère dans une lettre rapportée par Carla Rossi, - une de ses anciennes élèves -, se rend compte notamment du fait que:
…. Jusqu’à aujourd’hui
les mathématiques ne sont point un domaine déjà exploré, à apprendre telles
quelles et à transmettre à la postérité . Elles sont en développement continu,
elles sont en progression perpétuellet,
elles enrichissent et illuminent – elles représentent une créature vivante
et vitale en plein essor et développement. Voilà pourquoi je les aime, je les étudie et je veux leur
consacrer ma vie….
Durant sa troisième année au Polytechnique de Milan, inspiré d’un document
du biologiste Carlo Foà, il commence en
1926 son travail de recherche dans le domaine de la génétique de la population
: il écrit le premier de plus de trois
cent textes. il s’agissait d’un premier
exemple d’un modèle de développement qui était sans doute au moins quarante
ans à l’avant-garde par rapport à son époque.
Entretemps – et contre la volonté de sa mère, qui se faisait des soucis quant
à son avenir – il passe en 1925 à l’Université de Milan ( qui venait d’être fondée ), où il conclut brillamment ses
études avec une thèse sur la géometrie affine dont le rapporteur était Giulio Vivanti, un
mathématicien spécialisé dans l’analyse complexe. Parmi d’autres professeurs
de relief à l’Université de Milan, on doit mentionner Oscar Chisini, fort
connu pour sa définition générale de
la moyenne.
Immédiatement après
l’Université il entre à l’Istituto Centrale di Statistica à Rome, - fondé
et dirigé par Corrado Gini -, pour
passer ensuite en 1931 à Trieste, au service de l’importante compagnie d’assurances
“Assicurazioni Generali”. En tant qu’actuaire, il réussit à méchaniser certains
services actuariels, et devient ainsi
un des premiers mathématiciens parfaitement conscient des possibilités et
des potentiels des machines comptables. Après
avoir travaillé à Trieste et à Padoue,
il concentre son activité universitaire
et académique essentiellement à Trieste, pour passer en 1954 à l’Université”
(Pour des détails ultérieurs sur sa
vie, voir M.D. Cifarelli, E. Regazzini, L.Daboni ainsi qu’une autobiographie de de Finetti publiée par J. Gani.)
La plupart de ses oeuvres portent uniquement sa signature, cependant il avait eu beaucoup de contacts avec
d’éminents collègues, - notamment dans le cadre du Congrès International des
Mathématiciens, tenu à Bologne en 1928, où il avait rencontré d’importants mathématiciens, parmi lesquels
F
P Cantelli, G
Castelnuovo, M Fréchet,
A
Khinchin, Paul
Lévy, J Neyman,
R A
Fisher et G Polya
-.
M.D. Cifarelli et
E. Regazzini brossent un tableau
du milieu scientifique dans le cadre duquel de Finetti allait commencer sa
carrière scientifique . A propos de L J
Savage, - qui , à partir des années cinquante,
avait commencé à diffuser ses idées dans le monde anglo-saxon -, de
Finetti écrit en 1976:
Je dois souligner que je lui (L.J. Savage) dois beaucoup, car finalement mon travail n’est plus
considéré comme une hérésie blasphème, mais inoffensive,
ou plutôt comme une hérésie avec laquelle l’opinion
statistique officielle a été obligée – sans succès – à pactiser…
La référence porte sur sa fameuse théorie
subjective de la probabilité, développée pendant sa période la plus
prolifique, à savoir pendant les années
1926-
qui nous transmet son idée que la probabilité est une expression de l’optique
et de la vision du monde de l’observateur; en tant que telle elle n’a pas d’existence propre.
Bien que l’idée de probabilité en tant que mesure de la conviction de l’observateur
qu’un évènement déterminé va se produire
avait déjà été énoncée par F P
Ramsey en 1926, Bruno de Finetti ignorait
le travail de Ramsey, et son intérêt majeur ne portait point
sur des décisions rationnelles (voir la
commémoration de L. Daboni,
pour des informations supplémentaires), Comme conséquence de l’approche
subjective, l’inférence statistique n’est plus un processus empirique qui
produit des informations à partir de données, mais devient un processus logique-psychologique
qui choisit et sélectionne des opinions compatibles avec les données disponibles.
Une “summa” des idées révolutionnaires de Bruno de Finetti
peut se concentrer dans les deux volumes des son livre le plus connu Teoria
della probabilità (1970), traduit en anglais en 1975. De toute manière,
ses contributions à la probabilité et aux statistiques ne se limitent pas
à son approche subjective: en fait elles comprennent d’importants résultats pour ce qui est de la méthode de la mesure, des processus avec des accroissements indépendants, ainsi que des séquences
des variables échangeables et de moyennes associatives (voir Cifarelli et
Regazzini pour des détails ultérieurs). Mais, au-delà des domaines des probabilités
et des statistiques, Bruno de Finetti
avait des intérêts et des visions pratiquement sans
bornes.(Voir L. Daboni pour une liste exhaustive de ses travaux). Outre à ses contributions à l’analyse mathématique
ainsi qu’aux mathématiques financières et actuarielles, il faut rappeler et souligner son intérêt vital
et passionné pour la justice économique et sociale, ainsi que son implication
et dévouement enthousiastes dans l’enseignement des mathématiques.
L’intérêt que Bruno de Finetti
porte à l’économie était en fait inné: pendant sa première
année au Polytechnique de Milan il avait fréquenté les cours de Ulisse Gobbi,
qui l’avaient davantage confirmé dans
sa position radicale, - résumée dans
la note autobiographique déjà mentionnée -:
………..la seule directive de toute l’économie, affranchie des liens et
des entraves des égoïsmes individuels et de groupe, devrait être toujours la réalisation d’un Pareto collectif
optimal inspiré de certains critères d’équité.
Sa soif et son désir de justice sociale le conduisent en 1970 à être candidat à des élections politiques; il est même arrêté en raison de sa position
antimilitariste.
Son travail dans le domaine économique suscite de nombreux échos dans la communauté
internationale, et en 1982 Bruno de Finetti est nommé Docteur “Honoris Causa
“à l’Université LUISS de Rome.
En ce qui concerne l’enseignement des mathématiques, Carla Rossi nous mentionne une phrase qu’il
aimait prononcer
……………..avant
d’aborder un problème il faut le voir….
En effet, de Finetti avait toujours lutté pour ne pas séparer le formalisme
abstrait de la signification conceptuelle
et des objectifs. .Un instrument primordial était pour lui la nomenclature:
par exemple (voir D.V. Lindley) , il insistait pour que les “variables random” soient plus
proprement appelées “quantités random”,…car
………“Qu-est-ce qui varie?” .
En outre, en parfait accord avec son approche de la pensée probabiliste en
tant qu’instrument pour traiter avec l’incertitude dans la vie, il estimait
que cette matière devait être enseignée
aux enfants depuis leur première enfance.
Au moment de sa mort ,Bruno de Finetti était Honorary Fellow
de
En 1974 il avait été nommé sociétaire de l’Accademia dei Lincei.
Luca La Rocca University of Modena and Reggio Emilia.
The MacTutor History of Mathematics archive
Trad. : Adriana
Pollitzer Lepri.