Bruno de Finetti

 

Né le13 juin 1906  à Innsbruck, Autriche

Décédé le 20 juillet 1985 à Rome, Italie

 

 

 

 

Bruno de Finetti naît de “parents italiens, citoyens autrichiens”, comme lui-même l’écrit dans une note autobiographique  accompagnant le livre publié par ses anciens élèves et amis à l’occasion de son 75ème anniversaire. En effet, sa grand-mère paternelle était la nièce du Général Radaelli, commandant de la défense de la ville de Venise contre l’Autriche en 1848-49. Son père travaillait à Innsbruck en 1906 en tant que constructeur de chemins de fer: c’était un ingénieur, tout comme son grand-père. Cela ne nous étonne donc pas qu’en 1923  Bruno de Finetti se soit inscrit à l’Ecole Polytechnique de Milan, où il découvre d’emblée sa véritable passion pour les mathématiques, et, comme il écrit à sa mère  dans une lettre rapportée par Carla Rossi, - une de ses anciennes élèves  -, se rend compte  notamment du fait que:

 

….  Jusqu’à aujourd’hui les mathématiques ne sont point un domaine déjà exploré, à apprendre telles quelles et à transmettre à la postérité . Elles sont en développement continu, elles  sont en progression perpétuellet, elles enrichissent et illuminent – elles représentent une créature vivante et vitale en plein essor et développement. Voilà pourquoi je les aime, je  les étudie et je  veux  leur consacrer ma vie….

 

Durant sa troisième année au Polytechnique de Milan, inspiré d’un document du biologiste Carlo Foà, il commence  en 1926 son travail de recherche dans le domaine de la génétique de la population : il écrit le premier de  plus de trois cent textes.  il s’agissait d’un premier exemple d’un modèle de développement qui était sans doute au moins quarante ans à l’avant-garde par rapport à son époque.

Entretemps – et contre la volonté de sa mère, qui se faisait des soucis quant à son avenir – il passe en 1925 à l’Université de Milan ( qui venait d’être fondée ), où il conclut brillamment ses études avec une thèse sur la géometrie affine  dont le rapporteur était Giulio Vivanti, un mathématicien spécialisé dans l’analyse complexe. Parmi d’autres professeurs de relief à l’Université de Milan, on doit mentionner Oscar Chisini, fort connu pour sa définition générale  de la moyenne.

 

Immédiatement  après l’Université il entre à l’Istituto Centrale di Statistica à Rome, - fondé et dirigé par Corrado Gini -,  pour passer ensuite en 1931 à Trieste, au service de l’importante compagnie d’assurances “Assicurazioni Generali”. En tant qu’actuaire, il réussit à méchaniser certains services actuariels,  et devient ainsi un des premiers mathématiciens parfaitement conscient des possibilités et des potentiels des machines comptables.  Après avoir travaillé à Trieste et à  Padoue, il  concentre son activité universitaire et académique essentiellement à Trieste, pour passer en 1954  à l’Université”La Sapienza  de Rome où il  va enseigner jusqu’à la fin de sa carrière.

(Pour des détails  ultérieurs sur sa vie, voir M.D. Cifarelli, E. Regazzini, L.Daboni ainsi  qu’une autobiographie de de Finetti  publiée par J. Gani.)

 

La plupart de ses oeuvres portent uniquement sa signature,  cependant il avait eu beaucoup de contacts avec d’éminents collègues, - notamment dans le cadre du Congrès International des Mathématiciens, tenu à Bologne en 1928, où il  avait rencontré  d’importants mathématiciens, parmi lesquels F P Cantelli, G Castelnuovo, M Fréchet, A Khinchin, Paul Lévy, J Neyman, R A Fisher et G Polya -.

M.D. Cifarelli et  E. Regazzini  brossent un tableau du milieu scientifique dans le cadre duquel de Finetti allait commencer sa carrière scientifique . A propos de L J Savage, - qui , à partir des années cinquante,  avait commencé à diffuser ses idées dans le monde anglo-saxon -, de Finetti écrit en 1976:

 

Je dois souligner que je lui  (L.J. Savage) dois  beaucoup, car finalement mon travail n’est plus considéré comme une hérésie blasphème, mais  inoffensive,  ou plutôt comme une hérésie avec laquelle l’opinion  statistique officielle a été obligée – sans succès – à pactiser

 

La référence porte sur sa fameuse théorie  subjective de la probabilité, développée pendant sa période la plus prolifique, à savoir  pendant les années 1926-1931. A ce propos, D.V. Lindley nous raconte que Bruno de Finetti était particulièrement fier de l’aphorisme:

 

La probabilité n’existe pas…

 

qui nous transmet son idée que la probabilité est une expression de l’optique et de la vision du monde de l’observateur;  en tant que telle elle n’a pas d’existence propre. Bien que l’idée de probabilité en tant que mesure de la conviction de l’observateur qu’un évènement  déterminé va se produire avait déjà été énoncée par F P Ramsey en 1926, Bruno de Finetti ignorait  le travail de Ramsey, et son intérêt majeur ne portait point sur des décisions rationnelles (voir  la commémoration  de L. Daboni,  pour des informations supplémentaires), Comme conséquence de l’approche subjective, l’inférence statistique n’est plus un processus empirique qui produit des informations à partir de données, mais devient un processus logique-psychologique qui choisit et sélectionne des opinions compatibles avec les données disponibles.

 

Une “summa” des idées révolutionnaires de Bruno de Finetti peut se concentrer dans les deux volumes des son livre le plus connu Teoria della probabilità (1970), traduit en anglais en 1975. De toute manière, ses contributions à la probabilité et aux statistiques ne se limitent pas à son approche subjective: en fait elles comprennent d’importants résultats  pour ce qui est de la méthode de la mesure,  des processus avec des  accroissements indépendants, ainsi que des séquences des variables échangeables et de moyennes associatives (voir Cifarelli et Regazzini pour des détails ultérieurs). Mais, au-delà des domaines des probabilités et des statistiques, Bruno de  Finetti avait des intérêts et des visions  pratiquement sans bornes.(Voir L. Daboni pour une liste exhaustive de ses travaux).  Outre à ses contributions à l’analyse mathématique ainsi qu’aux mathématiques financières et actuarielles, il  faut rappeler et souligner son intérêt  vital et passionné pour la justice économique et sociale, ainsi que son implication et dévouement enthousiastes dans l’enseignement des  mathématiques.

 

L’intérêt que Bruno de Finetti  porte à  l’économie était en fait inné: pendant sa première année au Polytechnique de Milan il avait fréquenté les cours de Ulisse Gobbi, qui l’avaient  davantage confirmé dans sa position radicale,  - résumée dans la note autobiographique déjà mentionnée -:

 

………..la seule directive de toute l’économie, affranchie des liens et  des entraves  des égoïsmes individuels et de groupe, devrait être toujours la réalisation d’un Pareto collectif optimal inspiré de certains critères d’équité.

 

Sa soif et son désir de justice sociale le conduisent en 1970 à être candidat  à des élections politiques; il  est même arrêté en raison de sa position antimilitariste.

Son travail dans le domaine économique suscite de nombreux échos dans la communauté internationale, et en 1982 Bruno de Finetti est nommé Docteur “Honoris Causa “à l’Université LUISS de Rome.

 

En ce qui concerne l’enseignement des mathématiques,  Carla Rossi nous mentionne une phrase qu’il aimait  prononcer

 

 

……………..avant  d’aborder un problème il faut le voir….

 

 

En effet, de Finetti avait toujours lutté pour ne pas séparer le formalisme abstrait de la signification conceptuelle  et des objectifs. .Un instrument primordial était pour lui la nomenclature: par exemple (voir D.V. Lindley) , il insistait  pour que les “variables random” soient plus proprement appelées  “quantités random”,…car ………“Qu-est-ce qui varie?”  .

En outre, en parfait accord avec son approche de la pensée probabiliste en tant qu’instrument pour traiter avec l’incertitude dans la vie, il estimait que cette matière devait être enseignée aux enfants depuis leur première enfance.

 

Au moment de sa mort ,Bruno de Finetti était Honorary Fellow de la Royal Statistical Society, membre de l’Institut International  de Statistique ainsi que  Fellow  de  l’Institute of Mathematical  Statistics.

En 1974 il avait été nommé sociétaire de l’Accademia dei Lincei.

 

 

 

Luca La Rocca University of Modena and Reggio Emilia.

The MacTutor History of Mathematics archive

 

Trad. : Adriana Pollitzer Lepri.

 

 

 

 

 

 

 

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